Co-présidente de la grande campagne L’heure est brave, Ravy Por est une voix qui compte dans le paysage technologique canadien. Associée en intelligence artificielle et données chez Deloitte, elle est très engagée sur les enjeux d’enseignement technologique et d’inclusivité. Rencontre avec une jeune femme qui combine volonté de fer et de faire.

« Tu as toujours le temps pour ce que tu veux vraiment. » Ravy Por affiche un grand sourire en prononçant ces mots, mais son ton assuré trahit la volonté de celle qui ne lâche jamais rien. Il y a chez la co-présidente de notre grande campagne cette conviction que la vie n’est faite que de choix, que d’efforts et qu’il nous appartient d’allouer notre énergie à ce qui compte. C’est dans son enfance que cette vision des choses s’est cristallisée : « J’ai dû commencer à gérer mon horaire à 9 ans, raconte-t-elle souvent. Mes parents travaillaient beaucoup et m’ont dit qu’il fallait que je m’organise seule, donc j’ai acheté un agenda. Depuis, je gère mes priorités et j’en suis convaincu : on a toujours le temps si c’est vraiment important. » Pas d’excuse, pas son genre.

Un parcours exemplaire

Fille de réfugiés cambodgiens, Ravy Por est née à Laval en 1985. De la fuite de ses parents à travers la jungle, de leur résilience face à l’adversité, elle a hérité de valeurs et de principes qu’elle refuse de nommer “courage”, “bravoure” ou “audace”. Elle préfère parler de “persévérance”. « On est une famille de rescapés de génocide, de cultivateurs, d’ouvriers, raconte-t-elle, mais même lorsque nous vivions sous le seuil de pauvreté, mes parents m’ont fait comprendre que j’étais privilégiée. Privilégiée de manger trois fois par jour, d’avoir un toit, d’avoir accès à l’éducation, d’être libre, de faire partie d’une communauté. » Très vite, elle comprend que ces privilèges, si elle leur associe l’effort nécessaire, vont lui donner la possibilité de choisir. Choisir ses études, sa vie et ses combats.

C’est ainsi qu’elle gravira, un à un, les barreaux de l’échelle sociale. C’est ainsi qu’elle deviendra, chez KPMG et Deloitte, l’une des spécialistes reconnues de la science des données et de l’intelligence artificielle. C’est ainsi, enfin, qu’elle dédiera une bonne part de son temps libre au bénévolat. « La première fois que j’ai fait du bénévolat, je n’avais que 11 ans, se souvient-elle. Je n’ai jamais arrêté depuis, que ce soit sur le terrain ou sur des Conseils d’administration. Le bénévolat te permet de sortir de ton cercle et de ta zone de confort, de gagner en leadership si tu es prêt à prendre des responsabilités, de comprendre que tes idées et tes actions peuvent avoir un impact concret sur la collectivité. Ça m’a forgée. »

Un engagement pour l’éducation et l’inclusion

Ne cherchez pas plus loin la raison de sa présence aux côtés de l’Université de Montréal pour sa grande campagne philanthropique. Passée par l’UdeM, HEC et Polytechnique, la co-présidente de L’heure est brave se réjouit à l’idée d’aider son alma mater, d’amener de la valeur ajoutée, de pousser des causes qui l’animent. Plusieurs fois refusée à la maîtrise pendant ses études, elle n’en a gardé aucune rancœur, mais un désir d’engagement autour des questions d’équité et d’inclusion. « Comme beaucoup dans ces années-là, je devais étudier, travailler, réviser jusque tard dans la nuit et faire entre 3h et 4h de transport par jour, énumère-t-elle. Il y avait des bourses d’excellence, mais comment être excellente quand tu dois travailler en parallèle ? Il n’y avait pas encore de bourse de performance, peu de considération pour la diversité socio-économique. C’était une autre époque. » Alors, dès que l’occasion s’est présentée à l’UdeM, Ravy y a créé une bourse de performance en mathématiques-statistiques exclusivement réservée aux femmes, de préférence issues de la diversité. Tout un symbole.

À force de s’impliquer dans des Organismes à but non lucratif et sur des Conseils d’administration, la jeune femme a fini par sauter le pas et créé en 2018 son propre organisme : Héros de chez nous. Sa mission ? Démocratiser l’éducation technologique auprès des jeunes de 12 à 25 ans. Comme une évidence pour cette jeune femme qui voit les mathématiques comme un langage universel. Au travers d’ateliers et de conférences, l’organisme va à la rencontre des jeunes pour favoriser l’épanouissement de la relève en sciences, pour démystifier les enjeux technologiques d’aujourd’hui – comme l’IA ou la programmation – et pour informer sur les métiers de demain. « Nous allons dans les écoles secondaires, dans les universités, dans les centres d’emploi pour les jeunes, explique-t-elle. En fait, j’aimerais que cet enseignement fasse partie des programmes éducatifs dès la petite enfance pour éviter d’élargir le fossé entre ceux qui maîtrisent la technologie en IA et les autres. »

« Il faut savoir demander de l’aide »

En l’écoutant, on est frappé par l’évidence de sa présence sur le CA de la grande campagne. Son parcours, son métier, ses engagements, tout ce qu’elle est, tout ce qu’elle fait s’incarnent naturellement dans trois de nos piliers : non seulement l’amélioration de l’expérience étudiante, mais aussi l’innovation pour servir le bien commun et l’épanouissement des communautés. Mais fidèle à ses valeurs, elle prévient : « Le changement, c’est une porte qui s’ouvre de l’intérieur ! Je crois aux efforts, mais je crois aussi qu’il faut savoir demander de l’aide. Aujourd’hui, il y a des programmes pour les étudiants, pour les futurs entrepreneurs, il suffit de chercher pour trouver. Et tant pis si vous ne frappez pas à la bonne porte de suite, peut-être qu’elle en ouvrira une autre qui sera la bonne. Quoi qu’il en soit, il est important que cette démarche vienne des personnes concernées. » Savoir saisir une main secoureuse, nous dit-elle au fond, est aussi important que de savoir la tendre.

Cette volonté est clé dans son esprit : c’est elle qui permet d’avoir un impact sur le cours de sa vie comme sur la marche du monde. « Trop souvent, les gens pensent qu’ils n’ont pas assez d’impact, regrette-t-elle. Moi je me vois comme le colibri de la fable : je fais ma part. Et si une seule goutte d’eau peut créer un mouvement dans un bassin, alors plusieurs peuvent créer des vagues gigantesques. Tout le monde doit comprendre qu’il peut initier ce changement. » Malgré son agenda considérablement rempli, c’est sur l’enseignement technologique et son accessibilité que notre co-présidente a décidé de laisser tomber sa propre goutte. Ce même enseignement technologique qui lui a permis de s’élever, qui va former la relève en sciences, qui va éduquer des utilisatrices et utilisateurs… Ravy avait raison : on trouve toujours le temps pour ce qui est vraiment important.