« Vous êtes cools, nous sommes cools ! » C’est par ces quelques mots, lancés spontanément à un parterre de brillants diplômés, que le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras, a clos ces trois jours de mission en Californie. Venue – entre autres – pour prendre le pouls de nos gradués sur les questions relatives à l’intelligence artificielle et à la cybersécurité, la délégation de l’UdeM et de Polytechnique s’est rendue au cœur de la Silicon Valley, à San Francisco et à Los Angeles. D’entretiens en rencontres, de cocktails en visites d’entreprise, elle n’a eu de cesse de constater et d’encourager l’engagement des diplômés envers leur Alma Mater.
Ce déplacement, qui s’inscrit dans le cadre de la grande campagne L’heure est brave, a été l’occasion d’évoquer des projets technologiques portés conjointement par l’UdeM, Polytechnique et HEC. Il faut dire qu’aux yeux de ces prestigieuses institutions québécoises, l’intelligence artificielle et la cybersécurité sont des enjeux cardinaux. D’abord parce que les questionnements qu’elles soulèvent et les espoirs qu’elles suscitent sont considérables, mais aussi parce que nos chercheurs ont acquis une expertise pointue dans l’un et l’autre domaine. Outre le recteur Daniel Jutras et le vice-recteur à la philanthropie et aux relations aux diplômés Michael Pecho, la directrice générale de Polytechnique Montréal Maud Cohen, le doyen de la Faculté des arts et des sciences Frédéric Bouchard et le directeur général de l’Institut multidisciplinaire en cybersécurité et cyberrésilience (IMC2) Marc Gervais faisaient donc aussi partie du voyage.
Ce fut l’occasion pour eux de discuter avec Samy Bengio, directeur de la recherche sur l’IA chez Apple. Des rencontres et des tables rondes avec les diplômés ont également été organisées sur leurs lieux de travail chez Google, Apple, Tesla, Meta, PayPal ou encore le NASA’s Jet Propulsion Laboratory. Et puis deux cocktails des diplômés, l’un à San Francisco, l’autre à la Délégation du Québec à Los Angeles, ont permis d’échanger dans un cadre plus informel.
Outre le plaisir des retrouvailles qu’on évoquait plus haut, l’idée de ces rencontres consistait à présenter les projets en cours à l’UdeM, HEC et Polytechnique, mais aussi à partager les positions et engagements de l’université sur les enjeux éthiques reliés à ces technologies. Comme ont pu l’exprimer certains des membres de la délégation, ce genre de déplacements permet de mesurer l’importance de la mission de l’université. Voir tous ces savoirs qui bouillonnent, rencontrer cette relève éclairée qui prend part à une révolution technologique, réaliser que leur passage sur les bancs de nos facultés a été un moment charnière dans leur développement… Comme les mots du recteur en témoignent, personne n’est resté insensible à cette énergie !
Afin de mieux comprendre les enjeux et attentes de cette mission, nous nous sommes entretenus avec le doyen de la Faculté des arts et des sciences Frédéric Bouchard, et le directeur général de IMC2 Marc Gervais.
En tant que doyen de la Faculté des arts et des sciences, qu’attendiez-vous en premier lieu de cette mission en Californie ?
Frédéric Bouchard : Avant tout, de renouer avec nos diplômés. Et de mesurer l’apport de leur formation à leur réussite professionnelle. Leur gratitude et leur fierté étaient palpables pendant nos discussions, mais on a aussi pu bénéficier de leur lucidité et de leur retour d’expérience que nous prendrons en compte lorsque sera venu le temps de modifier nos programmes. Et puis, de voir cette relève, de voir ces savoirs en action, cela tonifie. On réalise que leur passage parmi nous a été un moment charnière dans leur développement. La plupart de nos donateurs étant des diplômés et la Californie comptant beaucoup de partenaires corporatifs, nous en avons aussi profité pour leur parler de notre grande campagne et de son 2e pilier : Créer, découvrir et innover pour servir le bien commun.
IMC2 n’existe que depuis octobre dernier. Vous étiez donc d’avantage là pour expliquer ce que vous faites ?
Marc Gervais : Oui, même si Google nous a fait un don de 1.3 million de $ il y a quelques mois, notre institut est très jeune, donc peu connu. L’objectif était donc de présenter les nombreux projets de cette initiative tripartite entre Polytechnique Montréal, HEC Montréal et l’UdeM. Des choses comme notre projet de créer une plateforme d’échange de données interuniversitaires sécurisées. Ou bien la mise en place d’une réserve citoyenne constituée de cyber bénévoles en cas de grave incident cybersécuritaire. Nous avons sondé l’intérêt des diplômés pour d’éventuelles collaborations et sollicité des mises en relation avec des entreprises du secteur. Mais nous étions là aussi pour récolter de l’information, pour voir comment les universités et les entreprises de là-bas considèrent la cybersécurité, comment ils la vivent dans leur quotidien.
Vu de Californie, quelle place occupe l’UdeM en matière d’IA et de cybersécurité ?
Frédéric Bouchard : Nous sommes à la fine pointe du développement en matière d’IA et de cybersécurité, mais aussi de la réflexion sur ces technologies. Il faut dire que beaucoup des technologies révolutionnaires dont nous parlons aujourd’hui ont été développées en grande partie à l’Université de Montréal. Avec le Mila et Ivado, nous sommes au cœur du déploiement de l’intelligence artificielle, mais d’une intelligence artificielle responsable qui contribue à l’épanouissement humain. Pour y arriver, l’université n’entend pas seulement délivrer des diplômes à des étudiants, mais aussi former des êtres humains capables d’user de leur libre arbitre. Capables d’éviter l’écueil de l’angélisme comme du catastrophisme. Capables de concilier l’IA et épanouissement humain. Et en discutant avec nos diplômés, nous avons nourri notre réflexion sur ce sujet, mais aussi vérifié qu’elle trouve un écho dans leurs propres aspirations et préoccupations.
Quelle est la singularité de IMC2 ? Quel message avez-vous essayé de faire passer aux diplômés que vous avez rencontrés ?
Marc Gervais : Dans l’assemblée des chercheurs et chercheuses de IMC2, nous comptons des spécialistes de renommée mondiale qui viennent de différents domaines : Gilles Brassard (physique quantique), Benoît Dupont (criminologie), Frédéric et Nora Cuppens (cybersécurité et cyberrésilience), Gabriella Nicolescu (sécurité avionique et systèmes cyberphysiques)… Ce n’est pas pour rien s’il y a le mot “multidisciplinaire” dans notre nom : c’est vraiment le mot clé de l’institut ! Entre les cyberattaques, les campagnes d’hameçonnage et la désinformation, les enjeux de cybersécurité touchent toute la société et tous les individus. Donc si on veut donner une ampleur sociétale à nos réponses, on doit non seulement rassembler, comme nous le faisons, des spécialistes en informatique, mais beaucoup d’autres expertises techniques, sociales, économiques, juridiques… Nos cybers ennemis ont des moyens considérables, ils ont une force de frappe considérable, mais nous avons des cerveaux assez pointus de notre côté. Et en les mettant ensemble, je pense qu’on a une bonne chance de conserver une longueur d’avance. Voilà le message que j’ai essayé de faire passer.