Mardi 27 février, l’UdeM a organisé une Ciné-Conférence exceptionnelle autour du film Ru, adaptation du fameux roman autobiographique de l’ambassadrice de la grande campagne Kim Thúy. À l’issue de la projection, l’écrivaine, le réalisateur et une professeure d’anthropologie ont parlé pendant plus d’une heure d’immigration, d’intégration et de générosité.
Il fallait la voir à la fin de la conférence, assise sur scène, échangeant avec le public avec décontraction et générosité, pour comprendre ce qui anime notre ambassadrice d’influence Kim Thúy : le rapport à l’autre. Son premier roman autobiographique, Ru, en parle beaucoup ; sa récente adaptation signée Charles-Olivier Michaud encore plus. 510 spectateurs ont pu s’en rendre compte à l’occasion d’une Ciné-conférence exceptionnelle que l’UdeM a consacré à l’écrivaine, au film et au sujet que tous deux abordent : l’immigration.
Une histoire universelle
« Ru, c’est une lettre d’amour aux accueillants », résumera joliment Kim Thúy à l’issue de la projection du film. Assis à ses côtés pour la conférence, le réalisateur Charles-Olivier Michaud la regarde en acquiesçant. Avec l’entrain de celui qui s’est approprié cette histoire sans pour autant la trahir, il ajoute : « Il ne fallait surtout pas faire un film sur l’immigration ! Il n’y a pas de grande vérité ici, juste une histoire – “ton” histoire – dans laquelle on se reconnaît parce qu’elle a quelque chose d’universel. »
Cette histoire, c’est celle de ces réfugiés vietnamiens qu’on a appelés « boat people ». De tous ces gens qui, à la fin des années 1970, ont fui un pays qui leur était devenu hostile pour s’établir ailleurs et recommencer à zéro. Comme le livre, le film dépeint cet événement historique en entrecroisant les temporalités. À l’installation de ces immigrants à Granby – au cœur d’un Québec filmé de façon « exotique » pour coller à leur expérience – répondent des flashbacks sur leur vie au Vietnam et leur fuite éperdue.
Esprit de générosité
« C’était la première fois qu’on voyait une telle mobilisation au Canada », se souvient Marie-Jeanne Blain, professeure associée au Département d’anthropologie de l’UdeM. Également invitée à débattre du film, elle a apporté à la discussion son indispensable regard de spécialiste et d’historienne : « À l’époque, il y avait ce principe d’additionnalité : pour chaque réfugié qu’un citoyen canadien prenait à sa charge, l’État en parrainait un autre. Nos concitoyens ont ainsi pris en charge 40 000 Vietnamiens ! Il y avait une véritable volonté d’accueillir, de créer du lien social. C’était parfois maladroit parce qu’on vient de contextes différents, mais ça montre ce qu’est la solidarité. »
De l’aveu même de notre ambassadrice d’influence, cet accueil l’a changée en tant qu’humain. « On ne s’est pas adapté, on a été adopté », formule-t-elle avec une émotion encore palpable. Malgré les parasites et les maladies qui affectaient sa famille, se remémore-t-elle, tous ces Québécois les avaient serrés dans leurs bras, leur rendant instantanément leur dignité et leur humanité. Et ce faisant, complète Marie-Jeanne Blain, « ces accueillants se sont eux-mêmes transformé. » Un esprit de générosité dont l’Université de Montréal s’inspire dans le cadre de son action sociale auprès des populations migrantes et défavorisées.
Un pilier de notre grande campagne
« Lorsque nous avons établi les priorités de notre grande campagne philanthropique L’heure est brave, ce rôle social était très haut dans notre liste, a insisté en introduction Michael Pecho, le vice-recteur des relations aux diplômés et à la philanthropie. Nous le remplissons déjà avec des Centres de services sociaux comme L’Extension – installée au cœur du quartier défavorisé Parc Extension – ou au travers de notre partenariat avec La Clinique Mauve qui accompagne les populations LGBTQ+ racisées et migrantes. Mais nous voulons faire mieux, alors cette mission est devenue l’un des 4 piliers de notre campagne : Favoriser l’épanouissement des communautés. »
Et favoriser cet épanouissement, c’est avant tout savoir regarder chaque communauté et chaque parcours de vie dans toute sa singularité. Comme le sous-entendait Charles-Olivier Michaud au début de la conférence, l’immigration est une expérience plurielle et irréductible qui ne saurait être réduite à un film, un récit, un type d’action, un programme d’aide généraliste…
Pour favoriser cet épanouissement, il faut au contraire se diriger vers l’autre, aller les uns vers les autres, échanger pour nous changer. La feuille de route de l’UdeM est à cet égard très claire : grâce à cette grande campagne, nous allons faire encore plus de place à la diversité, renforcer notre coopération internationale, développer nos cliniques sociales… Bref, multiplier les occasions de se croiser. « Il faut qu’on marche tous vers le milieu, sourit Kim Thúy, c’est comme ça qu’on va se rencontrer ! »