Pour saluer l’exceptionnelle contribution de Pierre et Gisèle Barret à l’innovation pédagogique et à l’aura de l’université, la Faculté des sciences de l’éducation baptise une salle de leurs deux noms.  

« Ça fait deux ans que je reçois des hommages… Je vais finir par croire que je suis déjà morte. » Gisèle Barret s’amuse de la situation : à 94 ans, l’ancienne professeur paraît plus vivante et facétieuse que jamais. Aujourd’hui, c’est la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal qui salue ses travaux fondateurs sur l’expression dramatique et sur la pédagogie de la situation. La salle B-253 portera désormais son nom et celui de son mari, le peintre Pierre Barret. Au-delà de son trait d’humour, cet hommage la réjouit, elle qui a tant influencé l’enseignement des années 1970.  

« C’est évidemment émouvant ! reconnait celle qui a enseigné à l’UdeM pendant 30 ans. Cette salle, je l’ai “construite”, je l’ai organisée, je l’ai utilisée pour mes cours. Avec le temps, elle est devenue une salle de réunion, l’une des plus grandes de la Faculté des sciences de l’éducation. Et voilà : en quelque sorte, aujourd’hui, elle redevient ma salle… » 

La cérémonie organisée par son alma mater a réuni plusieurs dizaines de proches et d’invités, parmi lesquelles Ahlem Ammar, la doyenne de la faculté, et Alexandre Chabot, secrétaire général de l’Université de Montréal. Aux murs de la salle B-253, des photos de ses cours et des toiles de son mari – également professeur à l’UdeM, mais disparu il y a 7 ans – rappellent à quel point “les Barret” auront marqué l’Université des années 1970-1980. 

Un savoir-être autant qu’un savoir-faire 

Gisèle Barret aurait pu se contenter de profiter tranquillement de la cérémonie mais, fidèle à sa pratique pédagogique, elle va choisir d’en pirater gentiment les codes. Alors que le pianiste Denis Gagné, la soprano Anne-Marie Beaudette et le ténor Julien Girard entonnaient un air célèbre, l’honorée a encouragé toute l’assistance à se lancer dans une valse impromptue. Avant de joindre elle-même le geste à la parole ! Manière de rappeler que, dans cette salle, sa pédagogie de la situation a toujours fait la part belle aux corps, aux mouvements et à l’expression de soi pour transmettre aux étudiants un savoir-être autant qu’un savoir-faire. Pour leur donner le courage, dit-elle souvent, d’être ce qu’ils sont. 

« Les enseignants n’ont pas besoin de boîte à outils pour cela, ils sont leur propre boîte à outils, explique-t-elle à propos de sa méthode. La seule ressource, c’est de partir de soi, de se servir de ce qu’on ressent, de tirer parti du lieu et de la situation, puis de construire un thème pédagogique ou artistique en fonction des besoins des étudiants. » Son influence fut telle que le ministère de l’Éducation du Québec lui confiera en 1970 la rédaction des programmes et guides pédagogiques d’expression dramatique. 

À la question de savoir ce qui reste aujourd’hui de ses innovations pédagogiques, Gisèle Barret répond qu’elles ont sans doute infusé, prenant de nouveaux noms ou de nouvelles formes. « Comme l’eau, ça pénètre dans la terre, ça part, et ça ressort quelque part, assure-t-elle. Cette perspective me plait beaucoup parce qu’elle dit l’essentiel : chacun doit trouver en soi ses propres solutions. »   

« La philanthropie est le corollaire de la gratitude » 

Désormais philanthrope, Gisèle Barret entend continuer de suivre le chemin qu’elle a commencé à tracer il y a 50 ans, entre les murs de cette faculté. « La philanthropie est le corollaire de la gratitude », répète-t-elle à qui veut l’entendre. Résultat : elle a déjà donné plus d’un demi-million $ à l’Université de Montréal, dont 140 000 $ au programme “Le Français, toute une culture”. 

« Grâce à ce programme, nos étudiants dialoguent avec des personnes qui ont choisi de mettre la langue au cœur de leur vie, développe Marie-Claude Boivin, professeure et vice-doyenne associée à la langue française. Les étudiants bénéficient d’une vraie rencontre, d’un vrai dialogue, au travers d’ateliers et d’expériences qui mettent la langue en relation avec l’art et l’expression. » Un engagement qui rejoint celui du 4e pilier de notre grande campagne philanthropique : “Favoriser l’épanouissement des communautés.” 

Visiblement émue par les prises de parole d’Alexandre Chabot, Ahlem Ammar et Marie-Claude Boivin, Gisèle Barret a tenu aussi à adresser quelques mots à ses invités : « Avec un bon cerveau, on fait beaucoup de choses, leur a-t-elle lancé, mais on ne peut pas aimer. Pour cela, il faut un cœur et un corps. Alors, revenez en vous, sachez qui vous êtes, ce que vous voulez, ce que vous sentez, et exprimez-le ! » Ses derniers mots seront d’ailleurs pour inciter l’assistance, trop statique à son goût, à bouger, circuler, déambuler et échanger avec son voisin. Comme autrefois, dans la salle B-253.