Comment bien parler de la grande campagne et de ses projets ? C’est à cet exercice complexe et passionnant que se sont récemment livrés les membres du cabinet de campagne. Récit d’une matinée studieuse mais animée.
“J’ai eu la chance de recevoir le don du savoir. Ce goût d’apprendre m’a été légué par certains professeurs qui ont vu au-delà de ma condition, qui ont vu mon potentiel, qui ont voulu garder l’étincelle. En utilisant mon savoir, j’ai pu démocratiser des technologies qui sauvent des vies.” Chaque mot est habité et transpire la sincérité : on sent que le chancelier Frantz Saintellemy vit son récit. “En faisant ce don, poursuit-il avec assurance, on veut accompagner les professeurs dans des milieux défavorisés en employant la technologie comme levier pédagogique.” À ses côtés, sept autres porteurs et porteuses de la campagne L’heure est brave acquiescent, visiblement convaincus par sa manière de présenter son engagement. Dans quelques minutes, ils savent qu’ils devront, à leur tour, se prêter à l’exercice.
Révision générale avant le grand oral
Ce matin-là, dans le hall d’honneur du pavillon Roger-Gaudry, la même scène se rejoue inlassablement autour de cinq grandes tables disposées à quelques mètres les unes des autres : huit membres du cabinet de la grande campagne L’heure est brave ; cinq minutes pour tester son argumentaire face aux autres ; un temps de rétroaction pour partager ses impressions ; et on passe au suivant. L’objectif de la matinée ? Que toutes les personnes impliquées dans la grande campagne rodent leur discours pour parler de L’heure est brave et de ses projets, pour raconter leur engagement, pour approcher des donatrices et donateurs potentiels aussi.
Pas si simple ! Trouver les bons mots, le ton adéquat, les arguments qui font mouche, aller chercher en soi ce qui va résonner avec la mission de l’Université et le cœur de son interlocuteur ou interlocutrice, ça ne s’improvise pas. Mais tout le monde joue le jeu avec entrain et application. Autour de chaque table, l’engagement est palpable et diffuse un stimulant mélange d’authenticité, d’esprit de groupe et de bonne volonté. Chacune et chacun délivre son pitch d’une manière différente, personnelle, jouant ici sur l’émotion, là sur l’impact du projet.
Incarner les projets
À la table numéro 1, par exemple, c’est la consultante et conférencière Sophie Reis qui se livre de toute son âme sur son expérience de vie : “Depuis l’annonce de mon cancer du sein en 2020, j’ai décidé de consacrer la dernière partie de ma vie à redonner, sourit-elle. Jusque-là, je me sentais peu liée à mon alma mater, mais ma prise en charge par le Centre Hospitalier de l’Université de Montréal a changé tout ça. J’ai découvert qu’à l’UdeM, on avait l’audace d’aller plus loin. J’ai donc décidé d’être le colibri de la fable, en écrivant un livre, en faisant un documentaire… »
Plus loin, c’est le doyen de la Faculté de médecine dentaire Hugo Ciaburro qui choisit, lui, d’expliquer l’importance fondamentale de sa discipline : “La médecine dentaire a été révolutionnée par la technologie ces dernières années, raconte-t-il. Mais on a besoin d’investissements dans la recherche sur le cancer buccal. Actuellement, on a une chercheuse qui travaille sur les biomarqueurs salivaires pour identifier les cas avant qu’ils se déclenchent. Imaginez : bientôt, on pourrait profiter de chaque consultation chez le dentiste pour faire un rapide diagnostic ! J’ai voulu devenir enseignant pour faire une différence. Maintenant, c’est à votre tour d’avoir ce pouvoir.”
À une autre table, c’est le recteur Daniel Jutras qui y va de sa confidence personnelle : “Je viens d’une famille où personne avant moi n’était allé à l’université, mais où les études étaient vraiment mises en valeur. En créant un fonds de bourses pour soutenir les étudiants de première génération universitaire, je voulais soutenir cette cause qui me tient à cœur. Et puis, le hasard a voulu que la première récipiendaire soit travailleuse sociale, comme mon père l’était. La boucle était bouclée… À votre tour, vous pouvez entrer dans ce cercle de solidarité et de transmission !”
L’essentiel pour chacune et chacun ? Injecter un maximum de soi dans les discours, devenir le porte-parole de sa cause, de sa faculté, de l’Université, incarner en quelque sorte la campagne et ses projets. Certains, comme le membre du comité exécutif Fabrice Vil, parlent des sacrifices consentis par leurs parents pour leur donner accès aux études supérieures. D’autres, comme notre co-présidente Ravy Por, rappellent qu’il n’y a besoin d’aucun statut pour s’engager, juste d’un peu d’audace et de proactivité. Et puis, il y a toutes celles et ceux qui, comme la doyenne de la Faculté des sciences infirmières Sylvie Dubois, ou encore le directeur de l’IRIC Marc Therrien, mettent l’accent sur la mission de l’UdeM et sa contribution au progrès humain.
Un travail d’équipe
Même si les discours ont été travaillés, on sent bien que tous les orateurs et oratrices sont venus ici pour s’améliorer. Pendant la phase de rétroaction, les conseils fusent. Les discussions s’animent. Surgissent alors des idées nouvelles ou des arguments indispensables qu’on glissera, peut-être, le jour du grand oral, lorsqu’il faudra expliquer aux donateurs et donatrices comment, avec leur aide, l’Université va changer le monde. C’est à un vrai travail d’équipe auquel on assiste ce vendredi matin.
En bon coéquipier, le co-président de la grande campagne, Louis Gagnon, est d’ailleurs venu prodiguer quelques conseils supplémentaires tirés de ses récentes expériences. “Il est crucial de bien comprendre et bien connaître la personne qu’on va approcher, martèle sur scène le Chef de la direction (Canada) d’Intact Corporation Financière. C’est comme ça que vous l’arrimerez au bon projet. Ensuite, soyez patients : la plupart du temps, les gens ne sont pas prêts à donner tout de suite. Regardez-moi : ça m’a pris 35 ans avant de donner à l’UdeM ! Et enfin : écoutez. Le plus important n’est pas de leur parler, mais de leur poser les bonnes questions.”
Et si tout ça ne suffit pas, le doyen de la Faculté des arts et des sciences Frédéric Bouchard a sa petite idée pour conclure la rencontre sur une pirouette volontariste. “Le Réseau des donateurs et des diplômés m’a conseillé de ne pas le dire, confie-t-il malicieusement à la toute fin de sa propre présentation. Mais même si vous ne nous aidez pas, on va le faire quand même notre projet ! Vous nous aiderez plus tard, ce n’est pas grave, mais là, il en va de la mission profonde de notre université.” Conclusion audacieuse, c’est vrai, mais après tout L’heure est brave. Et puis la meilleure façon d’être convaincant n’est-elle pas d’être convaincu ?